Les initiatives visant la réappropriation citoyenne de l’espace public à des fins d’agriculture urbaine se font de plus en plus nombreuses à Montréal. Les projets retenus lors des dernières éditions du programme Transforme ta ville du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), illustrent bien cette tendance Plusieurs facteurs peuvent expliquer la popularité de ce type d’initiative. La typologie architecturale et la densité des quartiers centraux montréalais - qui ont comme effet de restreindre l’accès des ménages à une cour avant ou arrière- en est certainement une. Toutefois, les multiples rencontres et visites des quatre derniers jours nous ont montré que les motivations des agriculteurs urbains sont rarement uniquement reliées à la production maraichère per se. La majorité des intervenants– pour ne pas dire la totalité – voient effectivement la production agricole en milieu urbain comme un moyen pour atteindre une diversité d’objectifs - sensibilisation, éducation, participation, socialisation, etc. - plutôt que comme une fin en soi. Ce caractère multidimensionnel de l’agriculture urbaine, dans le cadre d’initiatives de réappropriation des espaces publics, ouvre des possibles, mais pose également des questions quant au devenir de la nature des espaces publics et, incidemment, quant aux transformations éventuelles du rôle des arrondissements ou de la ville dans la gestion de ces espaces. La visite des Potagers Mange-Trottoir que nous avons fait dernièrement est éclairante à ce sujet.
Les potagers Mange-Trottoir est une initiative citoyenne ayant pris forme dans le quartier Villeray il y a maintenant deux ans de cela. Comme l’explique Richard Archambault - l’un des instigateurs du projet - l’idée est née suite au réaménagement des trottoirs au coin des rues Drolet et De Castelnau. Initié au départ par un résident du quartier, c'est à l'issu d'un processus de réflexion collective regroupant plusieurs citoyen(ne)s à l'hiver 2014 que l'idée a réellement pris forme. Aujourd’hui, plusieurs bacs au design soigné sont disposés dans les saillies de part et d’autre de la rue, contenant une panoplie de plantes indigènes, et ce, au grand plaisir des résidents qui viennent y faire leur cueillette. En majeure partie financé par les citoyens au moyen de ventes de plantes - et avec l'aide de l'éco-quartier Villeray, de l'UQAM et du CEUM - ce projet est avant tout une occasion pour les résidents du quartier de créer des liens entre eux et d’échanger sur le thème de l’agriculture. De plus, l’ambiance créée par ces aménagements est loin de déranger les commerçant du coin. Au contraire, ces derniers vont jusqu’à offrir aux jardinier(e)s un accès à de l’électricité et à de l’eau lorsque nécessaire. De plus, cette proximité avec les commerçant assure une sécurité aux potagers puisque très peu d'acte de vandalisme ou de vol ont été commis jusqu’à présent.
Ainsi, l’aménagement des saillies de trottoir, traditionnellement assumé par l’arrondissement, est aujourd’hui complètement porté par un collectif citoyen, et ce, sans aucune aide financière des gouvernements locaux (à l’exception du composte qui est fourni par la ville-centre en début de saison). « At the end, it is everybody's project, it is the community's project », souligne Sophie Paradis, l’une des instigatrices du projet avec qui nous nous sommes entretenus. De plus, outre l'apport important des instigateurs du projet, l'implication subséquente d'une foule de citoyen(ne)s (658 membres sur le groupe Facebook!) a réellement permis au projet de vivre et de se perpétuer.
Suivant ce cadre, l’exemple des potagers Mange-Trottoir ne représenterait-il pas l’émergence d’un nouveau type d’espace, où se brouillent les frontières traditionnelles du privé et du public et dont l’utilisation dépasse la dimension strictement esthétique pour en faire un lieu dynamique de sociabilité, de production, d’éducation, de participation et même de revitalisation économique ? Dans tous les cas, Mange-Trottoir pose décidemment la question du rôle de la ville et des arrondissements dans la gestion d’espace publics appropriés par les citoyens. À cet égard, ne serait-il pas intéressant d’appliquer la même structure de gouvernance que les jardins communautaires aux saillies de trottoirs et autres espaces publics similaires? Une telle structure éviterait du moins une approche trop top-down de la part de la ville et permettrait du même coup de pérenniser les initiatives citoyennes par un financement stable et adéquat.
Karim Hammouda
Les potagers Mange-Trottoir est une initiative citoyenne ayant pris forme dans le quartier Villeray il y a maintenant deux ans de cela. Comme l’explique Richard Archambault - l’un des instigateurs du projet - l’idée est née suite au réaménagement des trottoirs au coin des rues Drolet et De Castelnau. Initié au départ par un résident du quartier, c'est à l'issu d'un processus de réflexion collective regroupant plusieurs citoyen(ne)s à l'hiver 2014 que l'idée a réellement pris forme. Aujourd’hui, plusieurs bacs au design soigné sont disposés dans les saillies de part et d’autre de la rue, contenant une panoplie de plantes indigènes, et ce, au grand plaisir des résidents qui viennent y faire leur cueillette. En majeure partie financé par les citoyens au moyen de ventes de plantes - et avec l'aide de l'éco-quartier Villeray, de l'UQAM et du CEUM - ce projet est avant tout une occasion pour les résidents du quartier de créer des liens entre eux et d’échanger sur le thème de l’agriculture. De plus, l’ambiance créée par ces aménagements est loin de déranger les commerçant du coin. Au contraire, ces derniers vont jusqu’à offrir aux jardinier(e)s un accès à de l’électricité et à de l’eau lorsque nécessaire. De plus, cette proximité avec les commerçant assure une sécurité aux potagers puisque très peu d'acte de vandalisme ou de vol ont été commis jusqu’à présent.
Ainsi, l’aménagement des saillies de trottoir, traditionnellement assumé par l’arrondissement, est aujourd’hui complètement porté par un collectif citoyen, et ce, sans aucune aide financière des gouvernements locaux (à l’exception du composte qui est fourni par la ville-centre en début de saison). « At the end, it is everybody's project, it is the community's project », souligne Sophie Paradis, l’une des instigatrices du projet avec qui nous nous sommes entretenus. De plus, outre l'apport important des instigateurs du projet, l'implication subséquente d'une foule de citoyen(ne)s (658 membres sur le groupe Facebook!) a réellement permis au projet de vivre et de se perpétuer.
Suivant ce cadre, l’exemple des potagers Mange-Trottoir ne représenterait-il pas l’émergence d’un nouveau type d’espace, où se brouillent les frontières traditionnelles du privé et du public et dont l’utilisation dépasse la dimension strictement esthétique pour en faire un lieu dynamique de sociabilité, de production, d’éducation, de participation et même de revitalisation économique ? Dans tous les cas, Mange-Trottoir pose décidemment la question du rôle de la ville et des arrondissements dans la gestion d’espace publics appropriés par les citoyens. À cet égard, ne serait-il pas intéressant d’appliquer la même structure de gouvernance que les jardins communautaires aux saillies de trottoirs et autres espaces publics similaires? Une telle structure éviterait du moins une approche trop top-down de la part de la ville et permettrait du même coup de pérenniser les initiatives citoyennes par un financement stable et adéquat.
Karim Hammouda