Pour toutes ces questions et bien d’autres, des autorités désignées des différents paliers de gouvernement analysent la situation, ciblent les enjeux, proposent des solutions et pensent l’avenir du Québec et de sa population. Mais qu’en est-il de l’alimentation, cette activité vitale qui s’inscrit dans notre quotidien?
Bien sûr, certains organes de l’administration publique québécoise touchent des thèmes en lien avec l’alimentation. C’est par exemple le cas des directions de la santé publique, ces organisations gouvernementales régionales qui envisagent la question sous le prisme des enjeux sécuritaires et sanitaires dans le cadre des lois sur la santé publique, sur la santé et la sécurité du travail et sur les services de santé et les services sociaux. Toutefois, aucune autorité n’est entièrement et directement en charge du système alimentaire des villes et régions.
Penser le système alimentaire
C’est un des éléments de réflexion qui a émergé de notre rencontre d’il y quelques semaines avec la coordonnatrice régionale du Système alimentaire montréalais (SAM) chez Concertation Montréal, Mme Ghalia Chahine. Dans la foulée d’un grand chantier de réflexion entamé par les membres de la Conférence régionale des élus (CRÉ) de Montréal et leurs partenaires en 2011, Mme Chahine a été investie de la mission d’élaborer un plan de développement pour un système alimentaire durable et équitable pour la collectivité montréalaise |
Après de nombreuses réunions ouvertes aux spécialistes et aux acteurs du milieu, les parties prenantes ont réussi à s’entendre sur un objectif commun, selon lequel « En 2025, toutes les citoyennes et citoyens de l’île de Montréal ont accès à une saine alimentation diversifiée, de proximité et abordable dans une perspective de développement durable », porté par l’idée d’innover pour mieux se nourrir et se développer.
En ciblant 2025, le but était d’éviter que les enjeux électoraux ne prennent le dessus, tout en plaçant la date butoir assez proche pour qu’on ressente l’urgence d’agir. Une attention particulière a également été portée au genre (« citoyennes et citoyens ») de même qu’à la diversité, non seulement des aliments, mais des pratiques culturelles également.
De cet objectif ont aussi découlé cinq grandes orientations : enrichir l’offre alimentaire montréalaise ; réduire l’empreinte écologique du système alimentaire ; favoriser l’accès à une saine alimentation ; promouvoir la saine alimentation ; et renforcer le maillage régional.
Cette dernière orientation nous ramène d’ailleurs à notre discussion initiale. En effet, il était à ce jour impossible de rejoindre une personne en charge de l’alimentation pour la Ville de Montréal ; c’est un poste qui n’existait tout simplement pas. En se donnant pour objectif de tisser un maillage régional, l’idée est de créer un point de rencontre pour les acteurs du milieu, un parapluie où se retrouvent les enjeux alimentaires pour la métropole, et qui serait tenu par un coordonateur se retrouvant au cœur de ces questions.
La suite logique des choses
À titre d’exemple, le Vancouver Food Policy Council (VFPC), qui a été initié dès 1995 mais officiellement inauguré en 2004, est composé de fermiers, de distributeurs alimentaires, de nutritionnistes, de transformateurs de produits alimentaires, de gestionnaires de matières résiduelles, d’activistes et de chercheurs qui sont élus pour des mandats de trois ans et qui ont pour mission de formuler des recommandations aux élus en rapport avec la gestion du système alimentaire de la ville. Le Toronto Food Policy Council (TFPC) a quant à lui été créé dès 1991 à titre de sous-comité du Conseil sur la santé publique de Toronto pour conseiller la Ville en matière de politiques alimentaires. On pourrait également parler d’organisations semblables à Calgary, Saskatoon et même Québec. Les structures varient sensiblement et persistent au fil des ans.
La ville de Portland, que nous avons visitée la semaine dernière, a également développé sa propre organisation, la Portland Multnomah Food Policy Council (PMFPC). Celle-ci a œuvré à titre de comité consultatif citoyen auprès des élus à partir de 2002, et a notamment contribué à adapter les politiques de zonage à l’agriculture urbaine et à initier des programmes de formation en la matière, mais en 2012, le PMFPC a finalement été démantelé. Les raisons de cet échec semblent variées. Il est intéressant d’entendre ce que différents acteurs de l’agriculture urbaine à Portland ont à dire sur le sujet. Certains parlent d’un manque de représentativité. D’autres avancent que le PMFPC avait en fait rencontré ses objectifs, et qu’il avait fait son temps. Certains de nos collègues de la Portland State University (PSU) se sont également penché sur la question, et ont d’ailleurs rédigé un article spécifiquement à ce sujet.
Dans tous les cas, on retient qu’un Conseil de politiques alimentaires représente une organisation complexe, qu’il faut réfléchir et concevoir avec soin. Les expériences passées – comme celles de Portland – constituent une opportunité d’apprendre afin d’éviter les pièges connus et de tirer un maximum de bénéfices de l’engagement publique des citoyens et des élus en vue d’améliorer les politiques liées aux systèmes alimentaires locaux.
C’est maintenant à Montréal d’emboîter le pas et de se doter de sa propre organisation en la matière, en tenant compte des particularités et des exceptions qui caractérisent notre région métropolitaine. Inutile de vous dire que nous suivrons avec grand intérêt la consultation publique qui prendra place à l’automne 2015 sur l’opportunité pour l’agglomération de Montréal de se doter d’un Conseil des politiques alimentaires.
Valérie Fortin